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Hommage à Jean-Claude Carrière

Ce matin, nous sommes très tristes d’apprendre la disparition de Jean-Claude Carrière, formidable homme de lettres, qui aura marqué le septième art de sa plume si singulière.

En 2019 lors de la rétrospective consacrée à Luis Buñuel, il est venu, généreux, partager avec le public quelques souvenirs, parler de son travail d’écriture et de sa vision du cinéma, un moment rare et précieux. Merci Monsieur Carrière !


Rencontre entre Jean-Claude Carrière et la presse : 


Quelques mots de Jean-Pierre Bergeon :

Le 8 février 2021 disparaissait, à l’âge de 89 ans, Jean-Claude Carrière, homme de lettres, scénariste, dialoguiste, compagnon de création de Pierre Étaix, Luis Buñuel, Miloš Forman, Orson Welles, Volker Schlöndorff, Marco Ferreri, Jacques Deray, Louis Malle, Patrice Chéreau pour le cinéma… Jean-Louis Barrault et Peter Brook pour le théâtre. Il s’amusait aussi à faire l’acteur dans des seconds rôles, mais aussi plus gravement pour le rôle principal de L’alliance, tiré de son propre roman, réalisé par Christian de Chalonge. Mais il se disait avant tout conteur et quel conteur ! Intarissable, drôle et captivant, d’une culture alimentée d’une soif de connaissance inépuisable et qu’il savait rendre accessible à tous. Un homme de partage, généreux et humaniste comme avait pu s’en rendre compte le public, très nombreux, venu l’écouter en novembre 2019 dans le cadre du FIFAM, dont il était l’un des principaux invités. Il avait répondu présent immédiatement à notre invitation d’hommage à Luis Buñuel et à leur étonnant parcours de création (sept films en 19 ans). Éternellement reconnaissant à cet homme qui fut la pierre angulaire de sa carrière personnelle, celui par qui tout allait lui arriver. Histoire qu’il nous conta, entre autres, lors de cette rencontre avec le public amiénois en prélude à la projection du Fantôme de la liberté.

Cela commença, pour eux, en 1963 au Festival de Cannes où Bunuel venait présenter Viridiana. Une rencontre déterminante dans l’histoire du cinéma, celle entre un cinéaste talentueux et diabolisé, ayant dépassé la soixantaine, et un tout jeune scénariste français : Jean-Claude Carrière. Une rencontre lors d’un déjeuner où le courant passe. Buñuel cherche un scénariste pour adapter Le journal d’une femme de chambre, son choix se portera sur ce trentenaire alors peu connu. Le bassin méditerranéen, la connaissance du latin, le goût du bon vin… et un certain sens de l’humour seront les bases de cette fructueuse collaboration qui perdurera jusqu’au décès de Buñuel. Dans les sept films qu’ils vont écrire ensemble, il y a les adaptations littéraires (Le journal d’une femme de chambre, Tristana, Belle de jour – Lion d’Or à la Mostra de Venise – et Cet obscur objet du désir adapté de La femme et le pantin) et les créations originales (La voie lactée, Le charme discret de la bourgeoisie – Oscar du meilleur film étranger – et Le fantôme de la liberté). C’est dans ces créations originales, où rien ne préexiste, que l’étonnante alchimie entre les deux hommes se révèle. Le tandem s’isole, échange des idées, chacun a un droit de veto sur l’idée de l’autre. Et peu à peu, un film se construit. Cela peut prendre des mois, s’interrompre, recommencer plus tard. Deux intelligences qui s’amusent et qui se sont données une limite : ne jamais ennuyer le public. Pour cela, ils se sont inventés un couple de spectateurs « moyens » fictifs : Henri et Georgette, toujours présents. Jusqu’où peut-on aller dans telle ou telle scène sans qu’Henri et Georgette quittent la salle de cinéma ? Est-ce que ça passe ou est-ce que ça largue ? Ne jamais risquer le « point de non retour » du public, tel est leur mantra. Et, de fait, dans ces trois films, on peut être déconcerté mais on n’a pas envie de décrocher. Mieux, on s’amuse beaucoup. L’essentiel ! Car pour Buñuel (et Jean-Claude Carrière) une journée sans rire (et sans bien manger et boire !) était une journée de perdue !

Pour tous ceux qui l’ont vécu, cette soirée (plus d’une heure de récits et d’anecdotes pétillantes d’intelligence) restera marquée d’une pierre blanche. De même, pour les lycéens réunis avec lui, l’après-midi, pour sa Controverse de Valladolid. Pour moi, la sensation d’avoir côtoyé un homme d’exception dont l’œuvre protéiforme n’a pas fini de me nourrir. Une consolation : savoir qu’il a très certainement retrouvé maintenant avec joie et bonheur son ami Luis qu’il avait convaincu en 1982, à l’aube de sa disparition, de rédiger pour lui, le récit de ses souvenirs : Mon dernier soupir. Dernier acte de création entre deux hommes qui témoignait de la force de leurs liens.

Jean-Pierre Bergeon

© Jean-Marie Faucillon

Édition 44

127

Films

du 15 au 23 nov. 2024

62

Guest

It started !

8

Première et avant-première

FIFAM